Rencontre avec Audrey Fouillard "Il faut encourager les jeunes filles à oser et à ne plus s'autocensurer"

Publié le 9 novembre 2016

Rencontre avec Audrey Fouillard "Il faut encourager les jeunes filles à oser et à ne plus s'autocensurer"

Ce mois-ci, la parole à un membre du corps enseignant !

Très sensible aux problématiques d'orientation et d'égalité des chances, Audrey Fouillard, Principale du collège Le Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, était déjà impliquée avec Elles bougent dans ses précédentes fonctions au lycée Prévert de Taverny.

Elle est intervenue au petit déjeuner Presse organisé le 15 septembre durant lequel l'association a présenté 5 propositions pour l'orientation, afin d'expliquer aux journalistes présents en quoi les actions d'Elles bougent sont utiles aux élèves, et complémentaires des actions menées par les équipes éducatives.
» Voir les retombées presse

Bonjour Audrey.
Comment avez-vous rejoint le club des collèges et lycées d'Elles bougent ?

Durant l'exercice de mes fonctions au sein du lycée Prévert de Taverny, où j'ai été proviseur-adjointe durant 5 ans, les filles étaient tout aussi nombreuses en filière S que les garçons et obtenaient même, en général, de meilleurs résultats. Mais lorsque la question du projet professionnel était abordée, 90% d'entre elles affirmaient vouloir se diriger vers un cursus de médecine (c'était alors la mode de la série Dr House) ou ne pas encore savoir ce qu'elles voulaient faire ensuite.

Pourtant, les études de médecine sont particulièrement difficiles, de nombreux élèves ne passent pas le cap de la première année. Je trouve donc dommage qu'il n'y ait pas plus de filles choisissant les cursus qui mènent aux métiers d'ingénieures et techniciennes, et tout cela par méconnaissance de ces métiers.

C'est en constatant cela que j'ai eu l'idée d'organiser, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la visite du centre de RetD de PSA Peugeot-Citroën. Les filles y ont rencontré des femmes ingénieures aux parcours très diversifiés (prépa, prépa intégrée, DUT...) pour bien leur montrer qu'il existe une multitude de moyens d'accéder à ce diplôme.

Quelle a été la réaction des élèves lors de cette visite ?

Pour attirer l'attention des jeunes filles, dont une grande partie se déclarait alors tentée par les études de médecine, nous avions pris un parti pris original en décidant de comparer l'automobile à un être humain : les systèmes électroniques peuvent se comparer au cerveau, le moteur à un organe... Et tout comme dans Dr House, les équipes en charge se réunissent lorsqu'un problème survient pour établir un diagnostic et trouver une solution. Cet atelier a beaucoup plu aux élèves.

C'est à cette rencontre qu'on m'a parlé d'Elles bougent, une association qui organisait ce genre de visites et rencontres régulièrement. Je me suis renseignée et j'ai trouvé ça vraiment intéressant que l'association propose des actions clés en main aux établissements. Il n'y a plus qu'à les présenter aux élèves et professeurs !

Quelles actions avez-vous menées depuis ?

Depuis 2012, l'établissement a pris l'habitude de participer chaque année à la Journée nationale des Sciences de l'Ingénieur au féminin, co-organisée avec l'UPSTI.

» Les SI au féminin 2016 ont lieu le 24 novembre. Témoignez en vous inscrivant sur www.lessiaufeminin.fr !

Nous avons développé un autre projet dans le lycée l'an dernier. L'éducation nationale nous ayant demandé de faire un effort particulier pour la promotion des sciences auprès des lycéennes, nous avons donné aux filles la possibilité de choisir le module d'exploration ISN (informatique et sciences du numérique) au sein d'un groupe mixte ou d'un groupe exclusivement féminin.

L'avantage de ce module, c'est qu'il n'est pas réservé aux matheux. Il y a une réelle appétence des élèves pour l'informatique et c'est de plus en plus le cas chez les filles. En créant un module qui leur est réservé, on leur fait comprendre qu'elles sont les bienvenues dans ces matières. On a beaucoup communiqué dessus auprès des collèges et lors de nos JPO, cela a suscité un vif intérêt de la part des mamans.

Résultat ? Le module compte cette année 18 filles ! Et le lycée se mobilisera pour la journée du Numérique, prévue le 24 janvier prochain.

Et l'établissement ne compte pas s'arrêter là, il a l'intention de multiplier les rencontres avec des ingénieurs pour l'école, des professionnels de différentes entreprises et de continuer son rapprochement avec les prépas scientifiques de proximité, où des élèves ont déjà eu la possibilité de faire des mini-stages.

Le corps professoral est sollicité quotidiennement pour mettre en place ce genre d'actions. La force de l'équipe éducative, c'est d'inscrire ces différentes initiatives, toutes complémentaires, dans de réelles stratégies cohérentes pour aider nos élèves lors de la délicate réflexion sur leur orientation.

Au petit déjeuner presse, vous disiez avoir déjà obtenu des résultats dans votre établissement. Lesquels ?

En effet, après 5 ans d'actions, j'ai eu le plaisir de constater des résultats concrets sur l'orientation des élèves de l'établissement. Si auparavant la grande majorité des filles en filière S pensaient se diriger en médecine, les choses sont aujourd'hui plus équilibrées : environ 1/3 ont obtenu une place en prépa, en école d'ingénieurs ou en licence scientifique, 1/3 sont allées en médecine et 1/3 ont choisi tout autre chose.

J'ai également remarqué que ce genre d'actions encourage les jeunes filles à oser et à ne plus s'autocensurer.

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Parmi les propositions de l'association se trouve un appel à la révision des systèmes d'admission des établissements d'enseignement supérieur si cela permet de favoriser la mixité. Qu'en pensez-vous ?

Je ne suis pas contre la discrimination positive dans le sens où on le fait déjà pour d'autres formations. Certains BTS, par exemple, doivent accepter un pourcentage d'élèves issus de bacs professionnels. Alors pourquoi ne pas avoir la même démarche pour la mixité filles/garçons ?

L'idée de pouvoir privilégier les inscriptions de filles par différents moyens est intéressante. A Sciences Po Paris, par exemple, on parle beaucoup du concours mais ils prennent aussi sur dossier lorsqu'ils reçoivent les candidatures de très bons élèves.

Les filles ont généralement de meilleurs résultats que leurs camarades masculins, mais elles se mettent une pression énorme, ce qui joue peut-être sur les admissions sur concours. Certains estiment que si elles n'arrivent pas à surmonter cette épreuve, c'est qu'elles n'ont pas leur place au sein du cursus. Je pense au contraire qu'elles apportent des compétences complémentaires, qui ne sont pas nécessairement prises en compte par les concours.

Le bon côté de la mise en place de quotas, c'est que cela envoie un signal aux filles : elles sont les bienvenues. C'est ce qui a été fait au sein des entreprises, notamment pour les Conseils d'Administration. Cela a occasionné des mécontentements au début mais au final, cela a fait progresser les choses.

Aujourd'hui, vous ne travaillez plus dans un lycée mais dans un collège. A cet âge, on réfléchit finalement peu à son projet professionnel. Qu'avez-vous prévu pour y remédier ?

Avec la réforme du collège qui commence cette année, on travaille sur le Parcours Avenir, où l'élève pourra commencer à penser son projet professionnel dès la 5ème.

Les collèges s'emparent progressivement de façons différentes de travailler grâce aux EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), intégrant notamment la logique de projet que l'on retrouve en entreprise (et au lycée avec les TPE). Les professeurs sont amenés à travailler ensemble sur différentes thématiques et, ces projets offrant plus de liberté et de latitude, on peut imaginer plein de choses ! Nous n'en sommes qu'aux débuts, mais les premiers bilans ne devraient pas tarder à se faire.

On réfléchit davantage à son projet professionnel en 3ème, avec le stage d'observation à réaliser.

Lors de la présentation des propositions d'Elles bougent pour l'orientation, j'ai eu l'occasion de parler avec Dassault Aviation et nous envisageons d'organiser une semaine de stage pour faire découvrir différents métiers et activités de l'entreprise à une trentaine d'élèves. Les collèges et lycées sont très friands de ce genre d'initiatives, qui sont généralement plus enrichissantes que la réalisation d'un stage avec ses parents, sans réelle appétence pour leur métier.

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Avez-vous un dernier message pour les filles ?

Soyez AMBITIEUSES ! Ne vous fermez aucune porte, ne vous autocensurez pas. Et faites-vous plaisir, il y a forcément plusieurs moyens pour atteindre vos objectifs.

Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions Audrey !

L'équipe Elles bougent

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